2.2. La guerre dans la guerre
Cette guerre contre les peuples n'est pas volontairement synchronisée au niveau mondial, même si on trouve de nombreux points communs dans les politiques intérieures des grands blocs.
Les Etats-Unis sont entrés dans une course contre la montre pour faire face à l'émergence chinoise, et ils jettent toutes leurs forces dans la construction d'un modèle de gouvernance mondiale qui leur permettra de préserver leur domination.
La Chine s'y oppose en multipliant les alliances économiques et politiques, mais de façon nettement plus discrète. Entre ces deux géants, la Russie, le Brésil, l'Inde cherchent à exister, et l'Europe n'est plus qu'un triste épouvantail agité (et sacrifié) par les Etats-Unis.
Le système mène donc une guerre interne pour contrôler Internet et sa population, mais il n'y a pas qu'un système : il y en a plusieurs qui se battent entre eux ! C'est la guerre dans la guerre... Et les peuples n'ont vraiment rien à y gagner.
La compétition internationale
Un des enjeux majeurs de la compétition internationale est de faire basculer les autres acteurs politiques d'un côté ou de l'autre, quitte à ce qu'ils deviennent un terrain de lutte indirecte, comme la Syrie ou plus récemment l'Ukraine.
La politique internationale de l'Occident ces trente dernières années peut ainsi être lue au travers de ce prisme, que ce soit la déstabilisation des gouvernements sud-africains, les printemps arabes, l'Afghanistan, l'Irak, le support aux islamistes de l'Arabie Saoudite, ou récemment la chute d'Imran Khan au Pakistan.
Dans cette escalade, il reste peu de place pour une voie alternative. Les jeux d'influence politique tentent de faire basculer chaque pays dans un camp ou dans l'autre. Même la Suisse, sans aucun référendum, vient de rompre avec son historique neutralité pour se raccrocher définitivement au bloc occidental dans le cadre du conflit ukrainien. El Salvador tente une troisième voie autour du Bitcoin, mais combien de temps avant qu'il soit déstabilisé par un des blocs ?
Quoi qu'il en soit, la facade libre et démocratique qui a permis à l'Occident de faire rêver le reste du monde au XXème siècle s'effrite lentement et dévoile un visage de grande puissance sur le déclin, aggressive et dangereuse. L'arme politique de "Rejoignez le camp de la liberté" devient de plus en plus faible : si les peuples occidentaux ont encore du mal à percevoir l'activation de la machine totalitaire, nos voisins sont peut-être moins aveugles !
La compétition économique
Les blocs sont également engagés dans une compétition économique intense. L'Occident jouit encore de la domination du dollar dans les échanges internationaux, privilège exorbitant qui lui permet de s'endetter massivement à peu de frais.
Mais hors du cercle fermé des économies occidentales intégrées, on cherche une sortie à la domination du dollar et des systèmes d'échange mis en place par les Etats-Unis. La Chine construit ainsi patiemment son propre système, limitant sa dépendance au dollar et invitant les pays non alignés à la rejoindre.
Péché d'orgueil, le système occidental accélère son déclin en déconnectant la Russie de son système économique, ce qui non seulement jette celle-ci dans les bras chinois, mais encourage les autres pays à se préparer leur propre déconnexion arbitraire.
Se dessinent alors au moins deux grands blocs économiques, l'un en déclin, construit autour de l'Occident et du dollar, et l'autre en devenir, autour de la Chine et du Yuan. Ce système bipolaire ne fait qu'accentuer les tensions internationales.
La compétition militaire
Le système se réjouit de chaque opportunité de mener une guerre conventionnelle. Que ce soit en Afrique, au Moyen-Orient ou en Asie, chaque conflit est l'occasion de consommer du matériel miliaire et d'alimenter les économies des pays qui les produisent. A l'issue du conflit, le pays est ravagé et doit être reconstruit, le système politique peut être modifié et des agents du système prennent le contrôle, à moins que le pays soit simplement laissé dans le chaos.
Cela permet aussi de tester le nouveau matériel militaire, car l'art de la guerre évolue : drones, satellites, missiles hypersoniques et équipements portatifs modifient la physionomie des combats et donnent un avantage décisif à ceux qui savent les déployer. Cette nouvelle doctrine militaire se déploie actuellement dans le conflit ukrainien, où l'on voit la puissante armée traditionnelle russe mise en difficulté par des armes modernes, utilisées par des combattants mobiles et bien informés.
En bruit de fond, la menace nucléaire reste bien réelle et si la catastrophe a été évitée jusqu'à présent, plus les tensions s'avivent, plus le risque d'une décision précipitée, suivie d'une escalade fatale augmente.
La guerre de l'information
Chaque bloc doit contrôler le récit et l'accès à l'information, au moins en son sein. Cela passe avant tout par le contrôle des outils de communication. Ainsi, la Chine s'est très tôt coupée de l'internet occidental pour mettre en place ses propres plateformes (moteur de recherche, réseaux sociaux...).
Ce conflit descend jusqu'aux matériels utilisés (Cisco vs Huawei) et crée des silos d'internet, physiques et logiques, que chaque bloc contrôle autant que possible. Les opérateurs de ces silos coopèrent alors avec les gouvernements de chaque bloc pour contrôler les contenus.
Il y a bien sûr en parallèle une guerre numérique pour l'accès aux informations des autres blocs, et l'installation de vers et de virus permettant des attaques si nécessaire. Ce cyber-conflit invisible fait partie intégrante de la nouvelle doctrine militaire.
Les peuples sont deux fois perdants
Il n'y a donc pas un système mondialisé qui mène de façon coordonnée une guerre contre les peuples, mais deux blocs engagés dans un conflit latent, dans une transition du pouvoir à l'échelle mondiale, qui s'emploient en parallèle à contrôler leur population.
Du point de vue des peuples, c'est la double peine : là où la guerre s'exprime concrètement, la population subit mort et destruction ; et dans les pays épargnés, elle est victime des politiques liberticides et totalitaires.